Leur duo sonne comme une évidence. Dans C’est toi que j’attendais, bouleversant documentaire sur l’adoption disponible en DVD et BR à partir du 5 avril 2022, les chansons et la voix d’Aurélie Saada (moitié du groupe Brigitte) accompagnent les images pudiques de la réalisatrice Stéphanie Pillonca (Fleur de Tonnerre, Apprendre à t’aimer…). L’alchimie parfaite de la musique et de l’image portée par deux âmes sensibles, généreuses, créatives.
Stéphanie, pourquoi votre choix s’est-il porté sur Aurélie pour les chansons qui accompagnent le film ?
Le film est dur, âpre souvent. Il y a quelque chose de difficile, dans les thèmes notamment, ou les images. On ouvre quand même avec un bébé qui naît, qui a encore du vernix sur lui, qui est un peu bleu, qui sort du ventre de sa mère. C’est hardcore. Et Aurélie arrive avec “Ta peau contre ma peau”, avec sa voix qui est là, qui est chaude, qui est suave, qui apporte plein de sucre, plein de couleurs… D’un coup, c’est “whaou”. Elle a une telle personnalité, une fantasmagorie, un univers, une identité, un physique, des convictions. Pour moi, c’était une chance de pouvoir lui voler un petit peu de cette personnalité.
Aurélie, comment avez-vous procédé pour la création des chansons ?
Stéphanie m’appelait et me disait : “Je viens de voir le bébé, je viens de voir ça.” Elle arrivait avec toute son émotion très forte et j’essayais de tisser, de tricoter des chansons et des musiques à la hauteur de ce qu’elle me racontait. Mais j’ai du mal à écrire sur des émotions ou des choses qui me sont complètement inconnues. Il faut, à un moment donné, que je les fasse miennes, que j’arrive à trouver un rapport avec mon histoire, que je trouve dans son sujet quelque chose qui me ressemble. J’ai mis trois ans et demi avant d’avoir ma première fille et j’ai cru que je n’y arriverai jamais. Alors, on pleure, on pleure beaucoup et puis, un jour, à force de pleurer, on se dit : “On va faire quelque chose de toutes ces larmes”. Et finalement, quand on en fait quelque chose, on se rend compte qu’on n’est pas tout seul. L’adoption, c’est ça aussi : des histoires de famille déchirées, des familles qui se construisent, qui ne se construisent pas, qui y arrivent, qui n’y arrivent pas.
“Sauver des séquences, c’est une charge trop lourde pour un compositeur”
Stéphanie, quelle place accordez-vous à la musique dans vos films ?
Ce qui importe, c’est la délicatesse. Ce qu’il faut éviter, c’est une musique ou des chansons qui sont révélatrices. Je n’aurais pas rendu service à Aurélie si j’étais arrivée avec quelque chose de pauvre et que j’avais attendu qu’elle soit ma bouée de secours avec la musique. Sauver des séquences, c’est une charge trop lourde pour un compositeur. C’est pour ça que les chansons sont des séquences à part entière. Par exemple, quand un des personnages perd sa maman, il va se recueillir sur sa tombe. Moi, j’étais là, technicienne, loin derrière. Je filmais, j’ai levé la tête, j’ai vu les arbres et j’ai entendu le vent comme des mélopées, comme des psaumes, comme des prières. J’en ai parlé à Aurélie et soudainement, sa voix et sa chanson sont devenues des personnages du film qui accompagnent quelqu’un dans la douleur.
Aurélie, quels ont été vos partis pris pour les chansons ?
J’ai commencé à composer des mélodies avec des bribes de mots, avec ce qui me venait et j’enregistrais ça sur mon téléphone. Stéphanie a été touchée par ce travail très minimaliste, juste la voix et la guitare, ou juste la voix et le piano. C’est un film tellement délicat, tellement honnête; ce sont des vrais gens, leur vraie vie, leur vraie quête d’enfant. On n’a pas envie de déborder. On a envie de rester très délicat, d’être avec eux, de leur laisser toute la place.
Crédits photos :
Jawad Le Flegme (Stéphanie Pillonca)
Pierre Terdjman (Aurélie Saada)
Pyramide distribution (film)
Interview : Marilyne Letertre
Montage : Matéa Iliéva
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