Rencontre
de la Musique
et de l'image

Romain Trouillet
Compositeur multigenre

Il a récemment travaillé sur la musique de Madeleine Collins, film d’Antoine Barraud avec Virginie Efira, et sur l’adaptation de la comédie musicale Les Producteurs de Mel Brooks mise en scène par Alexis Michalik. Avant cela, Romain Trouillet composait les B.O. de De Gaulle, Sauvage, Les Blagues de Toto et récemment du Quatrième procès, mini-série documentaire Netflix sur le procès de Sean Ellis, accusé du meurtre d’un policier à Boston.

Quel est le rôle de la musique dans Le quatrième procès ? A-t-elle une couleur particulière ?
Il est d’abord important de préciser que j’ai partagé la partition musicale de cette série avec Florencia Di Concilio qui a composé de sublimes textures organiques, sombres, poisseuses, en lien avec le cauchemar que vit Sean Ellis, victime de la corruption de la police de Boston. Pour ma part, j’ai davantage travaillé “la lumière au bout du tunnel”, allant chercher l’espoir et un positivisme au milieu de cette noirceur. J’ai également composé une musique plus “colorée” pour accompagner les scènes d’animation,  avec des codes classiques propres au thriller Herrmannien. Il y a beaucoup de musique originale, environ 40 minutes par épisode.

Comment travaillez-vous généralement avec le réalisateur et le monteur image ?
J’aime beaucoup commencer le travail à partir du scénario. Cela me permet de développer des idées plus originales sans contraintes et surtout sans musique de référence. Mais, très vite, je me rends compte que les images, le jeu d’acteur, le montage, les couleurs, sont indispensables pour composer une musique et créer une réelle alchimie avec le film. Les dialogues avec le réalisateur, le monteur image et le superviseur musical sont assez différents pour chaque film mais c’est ce que j’aime dans mon métier : j’apprends toujours de ces relations. Souvent, nous nous retrouvons ensemble à des étapes clés du montage pour appréhender la dramaturgie musicale, voir ce que la musique peut apporter au film, comment nous pouvons bousculer les images et le spectateur.

“Le plaisir ultime reste cet instant où j’entends pour la première fois ma musique jouée en séance d’enregistrement”

Vous avez aussi travaillé sur De Gaulle. Comment s’est faite la rencontre avec Gabriel Le Bomin ?
Grâce à Valérie Lindon qui a supervisé la musique du film. Nous nous sommes rencontrés tous les trois en amont du tournage. Je me souviens que Gabriel Le Bomin voulait rapprocher l’épique et l’intime. Il avait déjà l’idée de créer des ruptures entre des plans larges et d’autres très resserrés. J’étais comme un poisson dans l’eau. Je savais que j’allais devoir chercher des textures très fines et les confronter à l’ampleur de l’orchestre. J’ai commencé par enregistrer des textures tremblantes au violon et au piano. Ma première obsession était de trouver une manière “d’habiller” Charles De Gaulle. Le thème mélodique, celui d’Yvonne et Charles, est venu plus tard avec le quatuor à cordes. Plus le montage avançait, plus nous étions en demande d’une musique bien plus large avec l’orchestre complet, les percussions et l’électro.

Vous composez aussi pour le théâtre. En quoi l’exercice est-il singulier ?
Mon cœur balance entre le cinéma et le théâtre. Il y a cet “esprit de troupe” qui est une force dans le théâtre. On parle avec le costumier, le scénographe, le metteur en scène, on est à l’écoute du comédien et au final, les choses s’inversent… Au cinéma, la musique vient se coudre sur une image capturée et seul le montage reste malléable. Au théâtre, c’est tout l’inverse, chaque soir, les comédiens placent leurs voix sur la musique, les lumières et la scénographie qui sont figées. Le théâtre est un laboratoire tellement riche ! On me demande d’ailleurs souvent d’appliquer les codes du cinéma alors que j’ai le sentiment de pouvoir tester plus de choses. J’adore quand, finalement, les deux se rejoignent, comme sur Edmond d’Alexis Michalik que j’ai accompagné des planches à l’écran. C’est une pièce de théâtre conçue comme un film et c’est un film conçu avec le même “esprit de troupe” qu’une pièce.

Mais j’aime aussi profondément le cinéma. Il me permet de travailler sur d’autres chemins, de signer des musiques orchestrales. Et c’est avant tout le cinéma qui m’a donné envie de faire ce métier.

Que préférez-vous dans votre profession ?
Chacune de mes journées est différente. Mon métier m’amène à rencontrer de nouvelles personnes, à découvrir toujours de nouvelles choses… Mais le plaisir ultime reste cet instant où j’entends pour la première fois ma musique jouée en séance d’enregistrement.

Retrouvez le travail de Romain Trouillet sur son site

Ophélie Surelle 

Photo de couverture © DR / Le Quatrième Procès © Netflix

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