Superviseuse musicale sur Tralala des Frères Larrieu, Elise Luguern soufflait le nom de Renaud Letang pour assurer la direction musicale de la fantaisie chantée du duo de cinéastes. Le réalisateur embarquait alors son fils Aladin dans l’aventure pour l’épauler sur les arrangements. Ensemble, lors de leur passage au Festival du film francophone d’Angoulême, ils évoquaient leur travail sur cette comédie musicale hors normes pour laquelle ils ont assuré la cohérence sonore et harmonisé les créations des différents compositeurs, de Jeanne Cherhal à Bertrand Belin.
Expliquez-nous le métier d’arrangeur.
Aladin Letang : Imaginons un morceau très connu des Beatles par exemple, full instrumentalisé, avec un orchestre derrière, etc. Quand on voit quelqu’un faire une cover de ce morceau-là, par exemple en piano voix, la composition reste la même. Mais l’arrangement, c’est tout ce qui va l’emmener ailleurs, tout ce qui va amplifier le morceau, les émotions. Donc, ça va de l’instrumentalisation à la structure. On a un « guitare-voix » et comment on fait pour que ce soit d’un coup Hollywood, bossa nova, orchestre ? Comment amplifier tout en gardant le squelette ?
Renaud Letang : L’arrangement, c’est aussi ce qui permet de styliser un morceau.
Aladin Letang : C’est ce qu’on voit d’ailleurs en musique de film très souvent. Il y a un thème, une mélodie, et ils peuvent la développer sur sept styles différents, selon sept émotions…
Renaud Letang : Exemple : James Bond !
Aladin Letang : Voilà, ça, c’est du pur arrangement.
Renaud Letang : Il y a un côté romantique, un côté poursuite et bagarre … Tout ça avec le même thème. Ce sont les harmonies qu’on va mettre derrière qui vont changer l’émotion.
Comment arrange-t-on un film comme Tralala ?
Renaud Letang : Pour une comédie musicale comme celle-là, il y avait un scénario mais tant que les chansons n’existaient pas, il comportait des trous. On a été obligé de faire un livre musical. On a fait une énorme session de musique, de sons, en mettant toutes les chansons bout à bout pour avoir une espèce de monstre de ce qu’allait être le film. Il a fallu, avant le tournage, récupérer toutes les chansons, les arranger, plus ou moins. On a fait des maquettes de tous les titres, on a fait chanter tous les comédiens : le but était qu’ils chantent ensuite en direct, sur le plateau. Ce qui se fait extrêmement rarement.
Vous étiez les répétiteurs des acteurs ?
Renaud Letang : On a eu une vraie étape où il fallait faire travailler les comédiens en amont, avec des séances de studio, assez classiques, où je leur faisais travailler la mélodie, le tempo. Après, je me suis occupé, avec toute la matière des voix que j’avais, d’en faire une voix qui soit chouette en faisant des choix entre les pistes, en recalant s’il y avait besoin etc. L’objectif était qu’ils puissent être capables de l’apprendre et de répéter chacun de leur côté. Mathieu (Amalric, NDLR) avait énormément de chansons et a eu quelqu’un pour l’aider qui est parti en vacances avec lui et qui lui a fait bosser les morceaux de guitare voix. L’idée, c’était que ce soit approximatif. Il fallait le faire travailler, mais pas trop. Il y avait tout un jeu avec ça, où on ne voulait pas du tout que ce soit parfait. A l’inverse de Mélanie (Thierry, NDLR) où on avait vraiment envie que ce soit juste une belle chanson en soi.
Comment vous êtes-vous réparti le travail ?
Aladin Letang : Il y avait des morceaux préexistants qu’on a dû réarranger et des morceaux composés pour le film, des chansons, majoritairement par Philippe Katerine. Mon premier gros boulot a été de récupérer ces chansons. On avait le scénario avec quelques notes d’intention et on recevait des guitares-voix simples qu’il avait enregistrées au téléphone dans sa chambre. C’était ensuite à nous de faire des propositions musicales d’arrangements de tous ces morceaux-là pour les emmener ailleurs, quand il le fallait.
Renaud Letang : Je suis réalisateur et mixeur mais je fais aussi des arrangements par la force des choses et je peux composer mais Aladin, lui, est vraiment arrangeur-compositeur. Il a un niveau beaucoup plus élevé que moi. C’est lui qui a écrit toutes les cordes du film, tous les orchestres, toutes ces choses là. Quand je fais un disque, j’ai le même statut que les frères : c’est moi qui chapeaute la réalisation artistique.
Aladin Letang : C’était le rôle que tu avais d’ailleurs sur le film.
Renaud Letang : Exactement. Je dirigeais Aladin mais sans le diriger, pour qu’il propose des choses de lui-même, et je recadrais quand il y avait besoin de le faire par rapport à ma vision du projet.
Images : Peggy Bergère
Interview : Marilyne Letertre
Montage : Anna Fonso
Crédit photos : Pyramide films
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