Avec Ibrahim, désormais disponible en DVD et VOD, Samir Guesmi signe un premier film tout en pudeur et sensibilité sur une relation père-fils. Il a choisi le piano de Raphaël Elig pour accompagner les tourments de ces personnages. Soeurs Jumelles rencontrait le duo lors de la première édition de l’événement.
Comment votre duo s’est-il formé ?
Raphaël Elig : On s’est rencontré grâce à Frédéric Junqua, le superviseur musical du film à qui j’avais envoyé des pièces pour piano. C’était un projet personnel sur lequel je travaillais. Comme Frédéric était au courant que Samir travaillait sur son film, il m’a dit : “Ce serait peut-être bien que vous vous rencontriez, que tu fasses quelques petits essais pour qu’on fasse écouter quelques morceaux à Samir.”
Samir, vous aviez alors une idée précise de la musique que vous vouliez ?
Samir Guesmi : J’avais envie de piano. Enfin, au tout début, je n’étais même pas sûr d’avoir envie de musique. J’ai une admiration totale pour la musique de film, une vénération, un respect incroyable. Pour moi, elle est parfois aussi importante que le film lui-même. J’avais donc envie de quelque chose de très beau ou alors de rien du tout. Quand j’ai rencontré Raphaël, j’étais extrêmement méfiant, j’avais écouté sa musique que je trouvais extrêmement belle, avec ses notes de piano toutes pures, toutes simples et, en même temps, je ne savais pas à quel endroit elle pouvait exister dans mon film. Et lui m’a dit : “Mais je crois que ton film, tel qu’il est, est bien sans musique”. Là, je me suis dit : “Ah, mais il me plaît ce gars.” Avec mon esprit de contradiction, moi qui suis extrêmement méfiant, j’avais envie de lui dire : “Mais non, essaie de trouver une place parce que ton piano est beau.” Mais je n’avais pas envie de surligner, que la musique pallie à une mauvaise mise en scène. Parfois, quand la musique est mal utilisée, c’est la catastrophe : on a envie de se sauver du film si elle nous dicte nos émotions, ce qu’on doit penser. Mais là, la musique de Raphaël m’a fait découvrir des pans du film. J’ai su ce que pensait Ahmed par moments. C’est assez incroyable et magique.
Raphaël Elig : Je me suis senti dans une certaine intimité parce qu’on n’est pas allé dans un studio, on n’a pas enregistré sur un grand piano à queue clinquant Steinway. On a gardé ce piano d’étude qui se trouve dans mon appartement, on a mis des micros, et on a commencé à respecter l’intimité du film. Samir écoutait et m’a appris à épurer un petit peu. Il y avait plus de notes à l’origine. On a vraiment sculpté le son pour qu’il soit juste dans les moments qu’il fallait. Cela donne une respiration. Le film avait besoin de silence et on a respecté ce silence.
Samir, considérez-vous le compositeur comme le troisième auteur ?
Samir Guesmi : Je conçois notre collaboration comme une association extrêmement heureuse entre l’histoire que je raconte et la musique. Et il ne s’agit pas qu’une part prenne le dessus sur l’autre. C’est ça qui me tenait à cœur : je n’avais pas envie que la musique de Raphaël soit toute petite. J’aurais préféré dans ces cas-là qu’il n’y en ait pas du tout.
Raphaël Elig : Il y a une rencontre qui se fait ou une rencontre qui ne se fait pas. Avec Samir, ça s’est fait parce que son histoire me parlait : l’amour qu’il y a entre ce père et ce fils, c’était pour moi. C’est de l’ordre du miracle. On parlait de la même chose.
Images : Peggy Bergère
Interview : Marilyne Letertre
Montage : Anna Fonso
Extraits du film : Le Pacte
Photo de couverture © Marie Astrid Jamois