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Olivier Derivière : « Le métier de compositeur de musique jeu vidéo commence à faire sens. »

À un peu plus de 40 ans, le compositeur Olivier Derivière a un CV impressionnant dans la musique de jeu vidéo, du blockbuster Assassin’s Creed IV au franco-français A Plague Tale, en passant par le très remarqué Remember Me qui marie électro et orchestres symphoniques. Il nous livre son approche et son parcours de gamer précoce.

Quels sont vos premiers souvenirs de musique de jeu vidéo ?
Ils datent du Commodore 64, ce qui signifie que je suis très vieux. Puis à la fin des années 1980, je découvre Mario sur la Nintendo. Comme Tetris ou Zelda, ces jeux ont créé une iconographie de la musique de jeu vidéo, par la simplicité et la réussite totale de la production musicale. Pourtant, la plupart du temps, les codeurs composaient eux-mêmes la musique, sur une ou deux pistes, avec un rendu extrêmement naïf. Si j’ai aujourd’hui à ma disposition des orchestres, des samples et tout un tas de trucs géniaux, j’essaye toujours de ramener la musique à cet essentiel.

Comment se retrouve-t-on compositeur de musique de jeu vidéo ?
Ce métier commence à faire sens, mais ce n’était vraiment pas le cas il y a trente ans. Adolescent, lorsque je disais que je voulais être ingénieur informaticien, on me riait au nez. Puis à 14 ans, j’ai fondé un groupe de DemoMaking avec des camarades plus âgés. On se regroupait pour fabriquer des sortes de défis technologiques. Certains réalisaient le code, d’autres le graphisme et comme j’étudiais la musique depuis l’âge de 5 ans, je m’occupais de la bande-son. C’est comme ça que j’ai commencé à mettre le nez dedans. Quelques années plus tard, tous ces gens ont atterri dans le jeu vidéo et je les ai rejoints.

C’est quoi une bonne musique de jeu vidéo ?
Je ne sais pas. Une musique peut être composée magistralement mais ne pas fonctionner sur le jeu. Il faut juger dans le contexte. Dans le jeu vidéo, la musique n’est pas figée, tout est calculé selon les interactions du joueur à l’instant T. La bande-son est connectée aux éléments du décor. Les Japonais ont compris très tôt que la musique pouvait avoir une valeur d’information, on se souvient tous de la musique qui s’accélérait lorsqu’il restait peu de temps dans les premiers Mario par exemple. J’insiste souvent là-dessus auprès de mes confrères ou de mes éditeurs, j’essaye de leur rappeler qu’on n’est pas au cinéma, où la musique tient plus une fonction d’émotion.

Vous vous verriez composer pour le cinéma ?
J’ai déjà collaboré sur des petits projets ou des séries mais la proposition artistique du jeu vidéo est tellement riche – il y a des jeux sur la maladie mentale, la guerre, la parentalité, la science-fiction – que je ne cherche pas à travailler dans le cinéma, où j’aurais certainement moins de liberté. Le jeu vidéo, c’est un peu l’enfant terrible artistique. Même dans des studios de 300 ou 400 personnes, c’est très rock and roll, l’esprit, les réunions, la façon dont on bosse… Il y a une liberté de ton rare. Comme c’est très difficile de faire un bon jeu vidéo, on est embarqués tous ensemble sur ce bateau qui navigue à vue et on tente des choses. Ça crée un sentiment d’équipe très fort. C’est ce que j’ai toujours vécu.

Par Lucas Aubry

Photo de couverture © DR

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