Elles sont deux des membres fondateurs de Sœurs Jumelles, La Rencontre de la Musique et de l’Image. Julie Gayet est comédienne et productrice. Delphine Paul est directrice marketing synchro cinéma et télévision chez Sony Music Publishing. A deux voix, sans oublier leurs acolytes Hélène Girault et Eric Debègue, elles nous racontent la genèse et la conception de ce projet tranversal.
Comment est né ce projet autour de la musique et de l’image ?
Julie Gayet : D’une envie commune de faire un événement rassemblant ces deux filières. Hélène Girault, ma collaboratrice chez Rouge International, me disait souvent qu’il manquait un endroit de rencontre pour que ces sœurs jumelles échangent, créent du lien, pensent leur futur ensemble. A titre personnel, en jouant dans des films, et plus tard en produisant, j’avais compris combien la musique était une couleur essentielle d’un réalisateur et combien il pouvait être difficile de trouver le bon alter ego. La musique et l’image sont deux langages différents mais complémentaires qui, parfois, ont du mal à communiquer. Pour pallier ce manque, Hélène a donc initié le projet et m’a présenté Eric Debègue, l’un des autres fondateurs de Sœurs Jumelles et Président de Cristal Groupe. En parallèle, nous avons rencontré Delphine qui travaillait elle aussi sur un dossier similaire. L’aventure a commencé ainsi.
Delphine Paul : Si les artistes de l’image illustrent depuis toujours leur vision avec de la musique, les musiciens pensent eux aussi, aujourd’hui plus qu’hier, leur projet en images. Leur univers visuel est très fort, surtout depuis l’essor des réseaux sociaux, et précède même parfois le son.
J. G. : Les clips peuvent désormais s’apparenter à de vrais courts-métrages de cinéma. Les frontières se brouillent. C’est notamment pour cette raison que nous avons étendu la mission de Sœurs Jumelles à tous les genres : la pub, le clip, le court métrage, l’animation, la VR, le jeu vidéo. Et à toutes les musiques : symphoniques, urbaines, électro, synchro… L’écosystème évolue énormément, et les diffuseurs se multiplient.
D. P. : Les plateformes créent par exemple un appel d’air pour les créateurs en multipliant les opportunités mais elles posent aussi de nouvelles problématiques juridiques, contractuelles, artistiques, économiques qu’il est important d’aborder. Ce que nous faisons lors de débats, destinés aux professionnels et aux étudiants, et visant à questionner les enjeux des deux filières. Il y a tant de nouveaux usages qui n’ont pas encore de cadre… C’est un secteur en mouvement.
Pourquoi avoir ancré ce projet à Rochefort ?
D. P. : Le studio de post-production l’Alhambra travaille énormément sur la musique à l’image. Au point qu’Eric Debègue, son dirigeant via sa société Cristal production, est devenu membre fondateur de Sœurs Jumelles. Cela faisait aussi sens de travailler avec un territoire ayant une résonance internationale : Les Demoiselles de Rochefort, référence majeure de la comédie musicale, a rayonné dans le monde entier. La ville, récemment rénovée, le département de la Charente-Maritime et la région sont par ailleurs très dynamiques en terme de tournages télé ou cinéma.
J. G. : La Nouvelle-Aquitaine est la région qui investit le plus dans l’audiovisuel après Paris. Et le département a aussi une politique d’éducation culturelle et artistique très forte. Or, c’est un axe important de Sœurs Jumelles qui organise des rencontres entre les étudiants des filières Musique et Image et les professionnels.
D. P. : Nous avons aussi choisi Rochefort car Hélène Girault est de la région. Elle a travaillé aux Francofolies pendant des années et connaissait la vitalité culturelle de la région et du département.
J. G. : Hélène a aussi suivi une formation “musique à l’image” et m’a épaulée quand j’ai monté Rouge Editions qui valorisait les musiques de nos productions chez Rouge international. Dès ma première production, j’ai pensé musique, essayant d’aider les cinéastes à trouver le compositeur ou la compositrice adéquat. Peut-être aussi parce que c’est la façon dont je rentre dans mes rôles… La musique est pour moi révélatrice de l’univers d’un réalisateur mais les compositeurs ne sont pas assez valorisés par le monde de l’image. La musique arrive souvent en bout de course, avec un budget minime, bien qu’elle soit un maillon essentiel de la narration. Il faut ouvrir des discussions pour changer les choses.
L’objectif de Sœurs Jumelles est aussi de valoriser l’ensemble de l’écosystème ?
J. G. : Absolument. Nous voulons rendre visibles les métiers de la musique et de l’image que nous connaissons moins : les superviseurs, les monteurs, mixeurs, producteurs.…
D. P. : Le point de départ de Sœurs Jumelles, c’est l’amour des artistes et de la musique de films. C’est elle qui permet de prolonger l’expérience visuelle, qui nous accompagne. Il est temps de lui donner sa juste place. Et de la célébrer. Dans Sœurs Jumelles, il y a évidemment l’idée de rencontres professionnelles pour aborder les enjeux des deux filières mais il y a l’envie, toute aussi forte, de fêter les artistes. Nos showcases et nos spectacles inédits donneront à voir et à entendre les créations d’artistes connus ou émergents.
Notamment des femmes ?
J. G. : La bonification des aides du CNC ne prend pas encore en compte les compositrices par exemple. Cela fait partie des problématiques que nous souhaitons aborder à Sœurs Jumelles qui tient absolument à porter la parole des femmes. A Rochefort, pour chaque grand compositeur, il y aura une grande compositrice. Pour chaque réalisateur, une réalisatrice. Nous avons aussi tout fait pour équilibrer nos conversations artistiques, nos conférences, nos soirées. Mieux encore : notre journée du 22 juin sera intégralement consacrée aux femmes avec, en point d’orgue, un spectacle sur la sororité inspiré par Agnès Varda. Même chose sur notre site qui, durant toute l’année, donnera de nombreux coups de projecteurs sur les créatrices.
D. P. : Nous voulons Sœurs Jumelles inclusif et ludique, professionnel et grand public !
Propos recueillis par Marilyne Letertre
Photos de couverture ©JR-art.net