Lancé le 1er janvier 2020, le Centre National de la Musique a dû faire face à la pandémie tout en structurant son fonctionnement. Parité, aides, musiques à l’image… Son président Jean-Philippe Thiellay livre un premier bilan.
Quelles sont les grandes missions du CNM et ses principaux chantiers ?Le CNM est un établissement public né avec l’idée de doter d’une maison commune la filière musicale dans sa grande diversité, un peu comme le cinéma a eu le CNC il y a 70 ans. Nous avons réuni cinq structures (CNV, Bureau Export, IRMA, Fonds pour la création musicale et CALIF, ndlr.), avec un enjeu managérial pour construire la structure de manière pérenne. Mais le tsunami de la crise sanitaire a bouleversé notre feuille de route : il fallait éviter les faillites – objectif atteint à ce jour – et accompagner la relance. Nous avons ouvert le premier fond de soutien dans le domaine culturel dès le 23 mars 2020 et transformé un budget en quelques jours. Il y a eu plusieurs fonds de soutien pendant la crise, le total ayant représenté 100M€ versés en 2020. Le programme “Diffusions alternatives”, expérimental depuis juillet dernier et doté d’un budget initial de 5M€ d’abord, consistait à aider à organiser des concerts dans des lieux alternatifs (plein air, monuments…) et à les diffuser en ligne. Nous avons voulu utiliser les capacités du digital pour toucher de nouveau le public. On a aussi créé le CNM Lab’, un “think tank de la musique”, pour tracer les besoins et les prospectives, en lien avec la mise en œuvre des politiques publiques.
En termes de musiques à l’image, quelles sont vos priorités dans ce contexte ?
Plusieurs programmes du CNM pourront également bénéficier aux compositeurs et interprètes qui créent pour l’image, que ce soit pour le clip ou d’autres formats. Nous avons doublé le budget du programme “musique en image” qui s’élève désormais à 1,5 millions d’euros pour les producteurs phono et les éditeurs. Il existe aussi des fonds pour les auteurs-compositeurs, y compris de musiques de films, et des aides au développement éditorial pour des sessions d’écriture, la location de studios d’enregistrement, etc. Le CNM soutient toutes les musiques jusqu’à la diffusion, sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de cinéma, de jeu vidéo ou de synchro, un enjeu créateur de valeur pour les éditeurs et les interprètes.
Est-ce que le fonctionnement du CNM s’inspire du CNC ?
Bien sûr, cela ressemble beaucoup aux règles du CNC avec des plafonds, des taux de prise en charge de l’ensemble des dépenses. Par exemple, sur l’aide au développement éditorial, on peut atteindre 70% des investissements et on a presque 2 millions d’euros de budget. Tout cela est fixé en concertation avec les professionnels pour couvrir le plus possible les besoins. J’aimerais que les politiques combinées du CNC et du CNM permettent à nouveau d’enregistrer des musiques de films avec orchestre en France. Radio France, avec qui l’on travaille, le fait.
Quelles sont les mesures mises en place en faveur de la parité femmes-hommes ?
On a rendu publique au début de l’année une étude sur la place des femmes dans les festivals, qu’il s’agisse des compositrices-interprètes mais aussi des plateaux artistiques et des équipes techniques. Les femmes sont dramatiquement sous-représentées, toutes esthétiques confondues. Ensuite, dans la lutte contre les violences et le harcèlement à caractère sexiste ou sexuel, on a mis en place un protocole qui conditionne l’obtention d’aide du CNM au premier euro, avec de la formation, de l’information et la prise en charge des incidents ou agressions. Le troisième volet, ce sont des mécanismes de bonus, de majoration des aides lorsque des producteurs progressent dans la mise en avant des femmes et le respect d’une forme d’égalité. On est en pleine concertation avec la filière et on aboutira pour le 1er janvier 2022 au plus tard.
Qu’attendez-vous d’une initiative comme Sœurs Jumelles ?
Parfois, dans le milieu du cinéma, on a pu dire “d’abord les images, après la musique”. J’aimerais rééquilibrer les choses. Ce que j’aime dans Sœurs Jumelles, c’est qu’il n’y a pas une aînée et une cadette. Elles sont au même niveau. J’espère que les rencontres contribueront à trouver le bon mode d’emploi pour que CNC et CNM travaillent main dans la main.
Propos recueillis par Raphaël Clairefond
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