Rencontre
de la Musique
et de l'image

Ingrid Visquis
À la croisée des chemins

Elle dirige Bonne Pioche Music, filiale de la célèbre société de production audiovisuelle fondée à l’occasion de la production de La Marche de l’Empereur, documentaire animalier de Luc Jacquet auréolé d’un Oscar et d’une Victoire de la Musique pour Emilie Simon, compositrice de la B.O. Ingrid Visquis nous raconte son quotidien en images et en musique.

En quoi consiste votre métier ?

Je supervise toutes les questions de musique du groupe. Ça passe par la musique originale, à laquelle on essaie vraiment de donner les moyens. Je fais la passerelle entre les usages et les intérêts d’un producteur audiovisuel et les compositeurs, en essayant d’ouvrir la production sur de vraies réalités, sur les conditions de travail des artistes. En parallèle, il y a la recherche de titres préexistants, et toute la partie production et édition musicale.

Hormis une prestation de supervision musicale qui englobe le choix du compositeur, le suivi de la composition, la production exécutive de l’enregistrement de la musique originale, la sortie de la BOF digitale, les demandes d’aides à la musique, sélection et clearance de titres pré-existants, Bonne Pioche Music propose aussi ses services aux producteurs de fiction et de documentaires, en participant notamment au financement de la musique originale. En tant qu’éditeur de musique originale, on a la capacité d’investir une somme sous forme de Minimum Garantie pour le producteur afin de financer une partie du coût de la musique originale d’un film.

Quel a été le déclic pour fonder Bonne Pioche Music ?

Il y a une appétence pour la musique dans le groupe puisque, à ses débuts, Bonne Pioche qui existe depuis plus de 25 ans a commencé par des captations de concerts et de clips. Ils avaient ce réseau, ces connaissances et cette sensibilité de la musique et des gens qui travaillent dans ce métier. Ils avaient aussi ce réflexe de se dire que si l’on finance la musique, on a envie d’être dans la chaîne de droits. Et qu’en même temps, si on réclame ces droits, ça veut dire qu’il y a un travail à faire en face.  Grâce à cette structure, ils se sont donnés les moyens de gérer tout cet aspect master et édition de la musique originale de leurs films. C’est assez atypique et ça envoie un joli signal dans le métier.

Quid de la place des femmes dans la composition ?

Cela fait un moment que valoriser l’égalité hommes-femmes dans la composition de musique fait partie de mes préoccupations. Mais ce n’est pas facile et je ne suis pas satisfaite du résultat pour l’instant. Il y a pas mal de réalisateurs qui ont des habitudes avec des compositeurs. Il faut commencer par les convaincre de tester d’autres collaborations. Ce qui est parfois un peu compliqué, c’est la différence d’expérience. Quand on présente une compositrice, parfois, elle n’a pas le même parcours qu’un compositeur mais on ne m’a jamais dit : “Non, je ne veux pas travailler avec une compositrice.” Par ailleurs, je n’ai pas encore un carnet d’adresses assez fourni. C’est dans nos projets chez Bonne Pioche d’avoir une Bible pour tous les métiers avec lesquels on est amené à travailler.

Les compositrices rencontrent-elles des freins particuliers ?

Pas chez nous. Je prends connaissance d’un film, du profil du réalisateur, du profil du monteur, du brief, du genre de musique qu’il envisage et je fais des propositions. C’est un peu moi qui mets des filtres ou pas. Et je n’en mets aucun sur les compositrices. Il faut continuer à ne rien lâcher pour que ce ne soit plus un sujet un jour, qu’il y ait autant d’opportunités pour les hommes que les femmes, pour les compositeurs et les compositrices. Mais on n’en est pas encore là. On est encore obligés de faire un peu de discrimination positive et d’en parler. Il est notamment important de pousser la jeune génération à s’autoriser à aller vers ces métiers-là.

Quels sont les autres chantiers de demain ?

Par rapport aux nouveaux acteurs de la diffusion de films, il y a un enjeu pour une structure comme Bonne Pioche Music. Le gros de notre chiffre d’affaires, ce sont les droits d’auteur, par le biais de la Sacem, les droits voisins, et il faudrait qu’on soit vraiment capable en France, pour ces plateformes qui diffusent avec des abonnés Français, d’avoir une redistribution au plus près de ce qui a été négocié pour les chaînes historiques. On est une exception dans notre mode de fonctionnement. Il faut au moins qu’on puisse conserver tous ces acquis sur notre territoire.

Images : Peggy Bergère
Interview : Marilyne Letertre
Montage : Anna Fonso
Crédits images : Bonne Pioche

Crédit : Marie Astrid Jamois 

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