La chanteuse, qui réinterprète les titres mythiques issus de la collaboration Legrand-Demy lors de la soirée d’ouverture de Soeurs Jumelles, s’est fait connaître du grand public en 2013 avec son tube Come back to me, dont elle a co-réalisé le clip. Depuis, elle continue d’explorer. Rencontre.
D’aussi loin qu’elle se souvienne, la chanteuse HollySiz a toujours voulu gérer l’image associée à ses morceaux, ce dès l’écriture. C’est donc assez naturellement qu’elle s’est emparée de la mise en scène de ses propres clips. Tout commence avec Come back to me : “J’ai appelé le réalisateur Hugo Gélin, mon ami d’enfance. Je lui ai demandé : “Tu ne veux pas faire le clip avec moi ? Toi, c’est ton métier”. J’avais besoin d’un œil et d’une bienveillance.” Le plus dur dans le fait de se filmer soi-même, c’est de porter un regard objectif sur ce que l’on dégage à l’écran, constate HollySiz. “Il y a un plan où je ressemble à Winnie L’Ourson ! Hugo s’est battu pour qu’il y soit, mais moi, je n’en voulais vraiment pas. Et finalement, c’est le plan qu’on passe comme extrait systématiquement, partout…” Autre challenge : filmer la danse. Son univers visuel repose en très grande partie sur la chorégraphie, ce qui requiert des compétences bien particulières. “Les gens qui connaissent la danse – parce qu’ils ont été de bons danseurs ou qu’ils sont passionnés – savent la filmer. Ce n’est pas donné à tout le monde”. Sa référence ultime ? West Side Story. “Jerome Robbins, le co-réalisateur et chorégraphe du film, accompagne le mouvement. Il sublime, il grandit ses danseurs, il est avec la peau, avec la chair, avec leurs muscles, c’est extraordinaire.”
Le clip de Fox (2017), que la chanteuse a réalisé seule, est directement inspiré du travail de Robbins. Avec une nouvelle choré à la clé, cette fois entourée d’une troupe de danseurs. Ce mouvement autour d’elle, c’est ce qui l’a aidée à ne pas rester fixée sur ses propres pas et à outrepasser ses blocages lors de la réalisation : “Je pense que ça a décalé mon œil. J’étais tellement excitée de les filmer ! Je me suis un peu dédoublée dans ce truc-là.” D’autant qu’elle a travaillé avec la monteuse Anne-Sophie Bion, nommée aux Oscars pour son travail sur The Artist. “Moi, j’ai du mal à sortir des clous, je suis très bonne élève. Et elle, dès le début, elle a inséré un plan de la fin du clip monté comme un flash. Ça me choquait complètement ! Mais elle avait raison quand elle disait que c’était comme une image subliminale qui nous tient en haleine.” Son prochain clip pour Sister, elle l’a aussi réalisé elle-même. Une vidéo tournée en plein Covid, avec les moyens du bord. “J’étais chez moi. Avec un téléphone portable, on peut vraiment faire des trucs bien. Sur ce clip-là, pour le coup, l’équipe était extrêmement réduite : c’était moi et moi ! Et une monteuse, quand même.” Seule solution pour éviter de se torturer l’esprit avec son image : tourner en un claquement de doigts et rapidement passer au montage. “J’ai tourné très, très vite toute la partie où je suis face caméra, en caméra subjective. J’ai fait deux prises de chaque et c’est tout ! Si j’avais commencé à regarder les prises et à me dire “il manque ça”, je serais devenue folle.”
Prochaine étape pour HollySiz : le passage à la fiction, et un nouveau clip, sans chorégraphie cette fois. “J’en ai déjà tourné une partie. Mais je n’en serai pas l’héroïne. Ça change la donne.” La chanteuse se prend même à rêver d’un concert filmé par une réalisatrice qu’elle admire. “J’adore Rebecca Zlotowski”, confie-t-elle, en souriant…
Maud Le Rest
Photo de couverture © Anthony Dorfmann