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« Gagarine » : les coulisses de la B.O. par les réalisateurs

2015 : Fanny Liatard et Jérémy Trouilh réalisent un court documentaire sur les habitants de la cité Gagarine avant qu’elle ne soit détruite. Quatre ans plus tard, ils prolongent l’histoire et la font fiction avec leur premier long-métrage centré sur un adolescent de cette même cité qui se rêve cosmonaute et tente d’empêcher la destruction de ce lieu où il a grandi. Derrière la B.O. de ce film, désormais disponible en DVD et VOD, trois compositeurs : les frères Galperine et Amine Bouhafa. Un choix dont nous parlaient les cinéastes lors de leur passage à Rochefort pour la première édition de Sœurs Jumelles.

Quelle couleur musicale avez-vous voulu donner à Gagarine

Fanny Liatard : Peut-être le bleu. Le bleu de la nostalgie des habitants qui ont passé leur vie dans cet immeuble. Et puis, peut-être le bleu du cosmos. Le film se situe un peu entre les deux. Entre un réalisme, une cité qui a existé, et un aspect un peu science-fiction.

Jérémy Trouilh : On avait envie que Gagarine soit un film teinté d’espoir, parce qu’on a affaire à un personnage principal qui a des rêves immenses : il rêve de cosmos depuis sa cité. On voulait que la musique porte ses émotions et ses sentiments de conquête spatiale. Et, évidemment, ça veut dire, peut-être, qu’on avait envie d’aller chercher un peu dans des références de musiques de films de science-fiction. Je pense à Interstellar de Hans Zimmer qui arrive à composer une B.O. à la fois suspendue et proche des émotions du personnage.

Et comment se défait-on de ces grandes références ?

Fanny Liatard : Comme il y a une évolution dans le film, on avait envie, au début, d’ancrer la musique dans le réalisme, en utilisant les sons de l’immeuble aussi. On voulait accompagner un peu cette vie d’immeuble, tout en annonçant qu’elle allait disparaître en apportant un peu de nostalgie.

Puis, petit à petit, nous souhaitions insérer dans la musique des sons étranges qui évoquent la science-fiction et l’imaginaire de Youri qui va se répandre sur la cité, jusqu’à finir sur quelque chose de complètement épique, plus spatial, plus science-fiction. C’est un mélange de musique classique, de musique contemporaine, d’instruments qui n’en sont pas.

Jérémy Trouilh : On avait envie de trouver des thèmes qui symbolisent les émotions de nos personnages à certains moments.  Donc, un thème d’amour pour la relation entre Diana et Youri, un thème plus intime à Youri qui pourrait se transformer à mesure que le film avance. Et puis, il y a ce final qui va complètement dans le fantastique et qui est assez long en fait. C’est presque 15 minutes de musique entière à composer et sur lesquelles Amine Bouhafa a travaillé avec beaucoup de générosité pour donner un élan, un souffle de vie, dans un moment pourtant un peu tragique où la cité vit ses derniers instants.

Pourquoi avoir travaillé avec différents compositeurs ?

Fanny Liatard : Ce dont on avait envie aussi, c’est que la musique permette de placer le film dans un espace temps inconnu. On a tourné le film dans une cité qui existait à Ivry-sur-Seine mais on se disait : “L’histoire, c’est dire adieu à un endroit et aussi un peu à ses rêves d’enfant.” Et ça, on avait envie que la musique puisse le raconter. Du coup, on s’est dit : “Il y aura plusieurs influences dans la musique.” D’un côté, les frères Galperine et, de l’autre côté, Amine Bouhafa. Nous avons eu la même démarche dans le choix des musiques préexistantes. Il y a The Streets, “La Marseillaise” de Gainsbourg, et “Ya Tara”, une chanson composée par Amine et chantée par Léna Chamamyan. Les musiques dans plusieurs langues, de plusieurs époques, peuvent raconter aussi différentes générations qui se sont succédé ici et qui venaient peut-être de différents pays.

Y avait-il aussi l’envie de trancher avec les B.O. des films dits “de cité” ?

Jérémy Trouilh : On a fait Gagarine pour essayer de décaler le regard sur un lieu qui est souvent montré de la même manière, caricaturé par des images qui s’enferment toujours dans des schémas de violence. On fait un pas de côté en créant un personnage qui a plein de poésie dans le regard et qui, par ce regard, transforme le lieu. Cela voulait dire déployer aussi une bande sonore, une bande originale qui soit un peu différente de ce qu’on a l’habitude d’entendre dans les films qui se passent traditionnellement dans les cités.

A VOIR AUSSI :

> L’interview du compositeur Amine Bouhafa pour Gagarine

Images : Peggy Bergère
Interview : Marilyne Letertre
Montage : Anna Fonso

Photo de couverture © Marie-Astrid Jamois

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