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« Poly » de Nicolas Vanier : un score à la fabrication épique

Une soixantaine de longs-métrages (Sitcom de François Ozon, Un beau dimanche de Nicole Garcia, La tête haute d’Emmanuelle Bercot…), une trentaine de fictions télé, une dizaine de séries parmi lesquelles Un Village Français : Eric Neveux est une figure incontournable des BO françaises. Sur tous les fronts, l’artiste a signé le score de Poly, film familial de Nicolas Vanier, disponible en DVD le 14 avril (M6 Vidéo).


Eric Neveux © Steeven Petitteville

Comment êtes-vous arrivé sur Poly ?
Le producteur du film Yves Darondeau et Ingrid Visquis, la responsable de la musique chez Bonne Pioche, m’ont contacté assez tôt. J’avais déjà collaboré avec Yves et Ingrid sur le film de Luc Jacquet, Il était une forêt. C’était une production musicale très ambitieuse, avec grand orchestre, chœurs et solistes enregistrés à Londres chez Air Studios. Un très beau souvenir pour nous tous. Yves et Ingrid considèrent la musique des films très sérieusement, ils sont conscients de son importance et sont impliqués dans le processus créatif et la production, jusqu’au bout.

J’ai rapidement rencontré le réalisateur Nicolas Vanier, pendant la fin des prépas, quelques jours avant le départ de l’équipe pour les Cévennes. C’est ensuite avec la chef monteuse Raphaële Urtin que j’ai travaillé en proximité. Nous nous sommes vus en salle de montage dès juin 2019 puis, durant l’été, elle a commencé à m’envoyer des blocs montés. Les premiers thèmes de Poly ont été composés à ce moment-là, notamment le générique du début et certaines séquences de cirque.

En tout, j’ai travaillé plus de 10 mois sur le film, sachant que la post production de la musique a été très ralentie par le confinement. Mais la motivation de mon équipe a permis de finir le score juste à temps.

Comment s’est passée la relation avec le réalisateur ?
Le travail avec Nicolas fut fluide et efficace. Il venait à mon studio de temps en temps pour que nous écoutions ensemble le score en cours de composition, pour affiner certaines directions et valider les grands thèmes.

Anecdote amusante, Raphaële avait envoyé à Nicolas deux copies du montage avec une partie de mes démos montées à l’image et des musiques temporaires sur les scènes que je n’avais pas encore abordées. Sur l’une des copies, elle avait inséré des marques à l’écran quand c’était ma musique, sur l’autre, rien ! Nicolas a regardé la copie sans marque en premier, puis il a visionné l’autre, et s’est rendu compte que ses thèmes préférés étaient ceux que j’avais composés. Joie et soulagement !

Nicolas est très intuitif, et une fois qu’il est convaincu de la direction à prendre, il me laissait libre de retravailler de mon côté, d’échanger (énormément!) avec Raphaële, pour affiner les détails du score. Elle m’envoyait une séquence modifiée, je retravaillais la musique, elle remontait derrière pour optimiser l’impact de la musique. C’est une méthode très agréable qui nous maintenait dans une grosse énergie et une forte réactivité. C’était une vraie collaboration. C’est d’ailleurs dans cet échange et cette écoute que réside, selon moi, le secret d’un score réussi.

Quelle est la place accordée à la musique dans Poly ?
Il y a pas mal de synchros de musique in d’époque (la fameuse musique diégétique qui fait partie de l’histoire, que les personnages entendent), mais aussi des synchros qu’Ingrid a conseillées pour des scènes plus “clippées”. Et puis, il y a “Le Sud”de Nino Ferrer pour le générique de fin.

Je suis plutôt adepte des bandes son variées. Pour Poly, le fait de quitter le score pendant ces moments permet d’y revenir ensuite avec plaisir. Les chansons pop créent de vraies respirations. La couleur musicale change avec ces titres chantés, ça crée une jolie rupture. Ensuite, le score repart et c’est la musique de la narration et des émotions qui se remet en marche. Enfin, les séquences du dernier quart du film et les résolutions sur les deux dernières bobines sont plutôt denses : on bascule presque dans le film d’action !

Si vous deviez nous définir la musique, nous la raconter en 3 lignes…
Le score de Poly est – je l’espère ! – à l’image du film : émotionnel, tendre mais aussi épique et intense. Poly est un film d’aventure, avec des séquences spectaculaires dans lesquelles la musique joue un vrai rôle.

Avez-vous une anecdote, un moment fort que vous souhaitez partager, en lien avec la fabrication du score ?
Les enregistrements orchestraux du score de Poly ont eu lieu à Bruxelles, les 15 et 16 mars 2020, juste avant le confinement. L’énergie et le plaisir de jouer de l’équipe étaient incroyables, surtout dans ce contexte pas vraiment joyeux. Les musiciens, les techniciens, mon équipe, tout le monde a énormément donné pour ces séances.

Quand nous étions encore hésitants pour aller enregistrer le score, compte tenu du contexte, ce sont les musiciens qui ont achevé de nous convaincre de faire cette séance d’enregistrement, sans doute la dernière session pré-confinement d’Europe! Cela a évidemment donné un sens très particulier à ces jours de studio. Je trouve que cela s’entend dans l’interprétation du score par cette formidable équipe emmenée par Claire Bourdet et dirigée par le formidable chef Dirk Brossé.

La suite de la fabrication du score n’a pas été moins intense. Les solistes ont dû enregistrer chez eux, depuis leur pièce de musique, voire leur salon, qu’il s’agisse de guitare, de contrebasse ou du tuba !

La coordination de tout ce travail a été au moins aussi épique, mon équipe étant dispersée entre Paris, la campagne française ou anglaise et Berlin. En parvenant à réaliser ce score malgré ces conditions complexes, nous avons permis au film d’être mixé presque à la date prévue avant la pandémie. Nous n’en sommes pas peu fiers!

Quels sont vos projets ?
Je travaille depuis plusieurs mois sur le nouveau film d’Emmanuelle Bercot, De son vivant, avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel et Cécile de France. Je retrouve aussi  le réalisateur François Favrat (Boomerang), sur son nouveau long-métrage, Compagnons, et jevais composer la musique de L’enfer des foyers, une fiction télé d’Akim Isker, un film très fort sur le drame des enfants placés en foyers et en familles d’accueil.Je démarre également des projets d’animation, notamment la suite du Voyage de Ricky.

Ophélie Surelle 

Photo de couverture : © SND

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